La pandémie mondiale actuelle, ses nombreuses victimes, la crise économique et sociale qui s’ensuit posent de nombreuses questions. Comment se protéger d’un mal invisible, comment sortir d’une période inédite et douloureuse, comment vivre avec une menace sanitaire pouvant perdurer, avec une crise qui va toucher le monde entier et changer les rapports entre les gens et les pays ?
La crise fait apparaitre la fragilité de notre condition et nos limitations dans la connaissance et dans notre rapport avec le temps et avec l’espace. Dans ce contexte incertain pour longtemps, on peut aussi s’interroger sur notre rapport à la nature, à la santé mais aussi à la mort, à la culture et au patrimoine. La nature, idéalisée par beaucoup en ce siècle comme un modèle et un refuge, montre avec le virus son côté féroce et prédateur, qui ne connait ni frontière ni répit. La santé, sans cesse en progrès avec la science, bat de l’aile et nos systèmes de soins sont saturés et démunis. Quant à la mort, chassée de l’espace public, de notre vie et de nos pensées, elle fait sa réapparition dans le quotidien, à chaque coin de rue, à chaque contact et nous oblige à la regarder en face et à s’en protéger.
Le retour au domicile nous offre l’occasion d’un retour à l’essentiel, à la méditation, et permet aussi le rapprochement avec d’autres, dans une égalité éphémère. Dans la solitude ou le confinement, la culture au sens large est alors un grand recours, elle nous est désormais accessible par le digital, donc nous donne un accès quasi infini, aux livres, films et tous types d’événements culturels et musicaux.
Dans cette période angoissante et de repli sur soi, le luxe et le patrimoine ne sont- ils pas superflus, futiles et déconnectés de la réalité ? Bien sûr, la consommation de luxe et les visites du patrimoine ne sont plus possibles, mais la proximité du danger peut faire paraitre dérisoire leurs attraits. Le luxe est aujourd’hui de survivre et le principal patrimoine peut être vu comme la santé. Il est ainsi possible qu’on se détourne du luxe et du patrimoine, se concentrant sur l’essentiel et la volonté de survie. Le contraire est aussi possible, car le luxe et le patrimoine sont deux voies d’accès à la Beauté qui efface et transcende les tracas et les malheurs et peut nous élever dans un monde spirituel.
Le Triangle d’Or, à l’image de beaucoup de quartiers est désert, comme abandonné. Il l’est d’autant plus que c’est un quartier de bureaux et parmi ses quelques habitants, beaucoup ont déserté Paris. Dès lors on voit à certaines heures les Champs-Elysées vides de voiture et de promeneur, comme d’autres voies emblématiques du quartier, ce qui peut rappeler certaines images de l’Occupation, dernière époque de vide et d’isolement à Paris. Une certaine magie se dégage malgré tout de cet environnement d’une ville comme figée mais aussi protégée de l’agitation et du désordre. Il ne manque que la neige pour cacher certaines laideurs et nous imaginer changer d’époque ou hors du temps. Ce moment de réflexion, d’intimité et d’intranquillité nous aide à retrouver la beauté cachée de ce patrimoine.
François Vilnet, Président